Francis Pouliot : Les mains propres
février 7, 2014
Francis Pouliot (1 article)
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Francis Pouliot : Les mains propres

L’année dernière, le lobby écologiste québécois[1] s’est fortement opposé aux projets d’oléoducs transcanadiens qui permettraient au Québec de s’approvisionner du pétrole de l’Ouest du Canada. Cette année, ils se battent contre l’exploitation du pétrole québécois, qui selon eux ferait augmenter la  « dépendance » des québécois et aurait pour effet de créer un « État pétrolier » au Québec.

La vraie solution, nous dit-on, serait simplement de s’affranchir du pétrole et de remplacer celui-ci par des énergies alternatives. Or, les Québécois importent de plus en plus de pétrole et celui-ci représente actuellement 39 % de toute l’énergie consommée au Québec. Devant cette réalité indéniable, le discours anti-pétrole permet de maintenir un statut quo qui a des conséquences économiques, écologiques et sociales néfastes.

Loin des yeux, loin du coeur

En 2011, 19 milliards de litres de pétroles ont été importés au Québec pour répondre à la demande des Québécois. Pas une seule goutte n’a été produite dans la belle province, seul 8 % est provenu du Canada et aucun pétrole n’est provenu des États-Unis. Le refus d’exploiter le pétrole québécois et d’importer du pétrole de l’ouest canadien, résultant en grande partie de la lutte écologique, fait en sorte que nous importons notre pétrole de l’autre côté de l’Atlantique.

Qui sont donc les mystérieux fournisseurs qui se partagent chaque année les 12,2 milliards de dollars que l’on dépense en pétrole importé?  Si vous êtes écologistes et souhaitez gardez votre conscience propre, ne lisez pas les prochaines lignes.

1-     Algérie

Part du marché québécois : 38 %
Rang IHRII pour les respect des droits de l’homme : 200 sur / 216 pays
Rang EPI pour la protection de l’environnement : 86 sur / 132 pays
Rang de Transparency International pour la corruption : 94 / 177 pays
Rang EIU pour l’indice de démocratie : 117 sur / 167 pays

2-     Kazakhstan

Part du marché québécois : 21,5 %
Rang IHRII pour les respect des droits de l’homme : 95 sur / sur 216 pays
Rang EPI pour la protection de l’environnement : 129 sur / 132 pays
Rang de Transparency International pour la corruption : 140 sur / 177 pays
Rang EIU pour l’indice de démocratie : 143 sur / 167 pays

3-     Angola

Part du marché québécois : 11 %
Rang IHRII pour les respect des droits de l’homme : 77 sur / 216 pays
Rang EPI pour la protection de l’environnement : 90 sur / 132 pays
Rang de Transparency International pour la corruption : 153 sur / 177 pays
Rang EIU pour l’indice de démocratie : 133 sur / 167 pays

Constat : on n’exploite pas le pétrole québécois pour des motifs écologistes et sociaux mais on encourage des régimes pollueurs, anti-démocratiques et corrompus.

Vous êtes en train de cherche le mot adéquat pour représenter cette situation? Hypocrisie.

Cette hypocrisie n’est pas sans victime : pensons, un instant, à ce à quoi ont servi nos dollars une fois dans les mains des dirigeants de ces pays. Cette situation m’amène à conclure que plusieurs militants écologistes ne souhaitent pas réellement  améliorer le sort de la planète, ni celui de leurs confrères de la race humaine : ils veulent simplement ne pas avoir les mains sales.

La transition énergétique, un coûteux mirage

Bien évidemment, les écologistes répondront que la solution ce n’est pas non plus d’importer du pétrole mais de faire une « transition énergétique » où les énergies renouvelables remplacement complètement le pétrole. Analysons un peu ce que ceci implique.

Premièrement, il faut savoir que l’électricité produite au Québec provient déjà à 98 % de ressources renouvelables, soit l’hydroélectricité. Tout projet de « transition énergétique » dans ce secteur est donc inutle et, comme les éoliennes, n’aurait qu’une valeur symbolique.

Le pétrole consommé au Québec est principalement utilisé pour les transports (75 %) et les autres secteurs d’activité s’alimentent principalement en électricité. De toute évidence, c’est au transport qu’il faut s’attaquer afin de « s’affranchir » du pétrole, ce qui implique que tout le monde doive à terme remplacer sa voiture par une voiture électrique et/ou que tout le monde utilise un système de transport en commun électrifié.

Cette délirante lubie, selon les écologistes, serait atteignable d’ici 2030. Cependant, les résultats des politiques passées me laissent croire que la réalité est beaucoup moins simpliste qu’ils ne l’imaginent.

Grâce à des subventions de 8000 $ par achat, des subventions à l’installation et à l’achat de bornes électriques et à des subventions pour l’industrie, environ 1000 voitures électriques sont actuellement sur les routes du Québec. L’an dernier, 0,44 % des voitures vendues au Québec étaient électriques[2].

La stratégie d’électrification des transports du gouvernement péquiste, longue de 103 pages, est la plus ambitieuse jamais entreprise au Canada. On y retrouve toutes sortes choses, comme la reconduction des subventions actuelles, la création de « L’Instut du transport électrique du Québec » et  50 millions de subventions industrielles à des « projets mobilisateurs »  pour des entreprises comme Prévost et Bombardier. Si on en croit les péquistes, le coût ne dépassera pas  516 millions de dollars.

Avec un projet ambitieux, le gouvernement du Québec croit pouvoir rajouter 12 500 voitures électriques sur les routes du Québec d’ici 2017. Ainsi, le proportion de ces véhicules passera de 0,02 % actuellement à 0,25 %!

Affronter la réalité

L’impossibilité de s’affranchir du pétrole par l’électrification des transports n’est qu’une illustration d’une réalité plus large. Comme le dit Daniel Yergin, peut-être le plus grand expert des marchés énergétiques au monde, il est improbable que notre « mix énergétique » en 2030 soit très différent de celui que nous avons actuellemnent. Nous consommerons probablement une plus haute proportion d’énergies renouvelables, mais nous utiliserons certainement plus d’énergie en termes absolus.

Le pétrole fait partie de notre réalité. Le monde utopique sans pétrole que certains imaginent n’existera pas en 2030, et ce même si l’on mettait en place dès aujourd’hui les politiques anti-pétrole les plus radicales imaginables. Une fois que cette réalité indéniable sera acceptée par tous, nous pourrons enfin nous tourner vers desquestions plus pressantes : où allons-nous chercher notre pétrole et comment fera-t-on pour limiter les impacts environmentaux de notre consommation?

 

 



[1] À titre indicatif, il ya plus de 800 groupes écologistes enregistrés dans le Répertoire des groupes environnementaux.

[2] Données obtenues du ministère des Transports sur demande de l’auteur.

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